To-day there have been lovely things
I never saw before;
Sunlight through a jar of marmalade;
A blue gate;
A rainbow
In soapsuds on dishwater;
Candlelight on butter;
The crinkled smile of a little girl
Who had new shoes with tassels;
A chickadee on a thorn-apple;
Empurpled mud under a willow,
Where white geese slept;
White ruffled curtains sifting moonlight
On the scrubbed kitchen floor;
The under side of a white-oak leaf;
Ruts in the road at sunset;
An egg yolk in a blue bowl.
My love kissed my eyes last night.
Penguin's poems for love, 2009.
©Kiriko Nananan
jeudi 30 décembre 2010
dimanche 5 décembre 2010
samedi 27 novembre 2010
Rainer Maria Rilke - Lettres à un jeune poète (extrait)
Des mots qui font du bien...
Tout est à mener à terme, puis à mettre au monde. Laisser chaque impression et chaque germe d'une perception s'accomplir en soi, dans l'obscurité, dans l'indicible, l'inconscient, dans ce qui est inatteignable pour l'intelligence, puis attendre avec une profonde humilité et patience l'heure de la mise au monde d'une clarté nouvelle, cela seul s'appelle vivre en artiste : dans la compréhension autant que dans la création.
Il n'y a pas à mesurer le temps ici, une année ne vaut rien et dix ans ne sont rien. Etre artiste veut dire : ne pas calculer ni compter; mûrir comme l'arbre qui ne hâte pas sa sève et qui résiste, confiant, aux tempêtes du printemps sans craindre qu'après elles puisse ne pas venir l'été. Il arrive. Mais il n'arrive que pour ceux qui sont patients, qui sont là comme si l'éternité s'étendait devant eux, dans le calme et l'ouverture de l'insouciance.
Il n'y a pas à mesurer le temps ici, une année ne vaut rien et dix ans ne sont rien. Etre artiste veut dire : ne pas calculer ni compter; mûrir comme l'arbre qui ne hâte pas sa sève et qui résiste, confiant, aux tempêtes du printemps sans craindre qu'après elles puisse ne pas venir l'été. Il arrive. Mais il n'arrive que pour ceux qui sont patients, qui sont là comme si l'éternité s'étendait devant eux, dans le calme et l'ouverture de l'insouciance.
jeudi 11 novembre 2010
Le printemps dans l'île
Des canaux
protections de vent léger
pour les jeunes vierges dans l'île
Des canaux
pulpe impudente des anges
sous la rumeur des manifestations
Jeunes chevreuils vierges
bondissent
à la rencontre des fusils
Il est une grande cour
de rêves et de savoir
Le soleil y joue avec les arbres
enlacés de banderoles
Il a la fraîcheur des sources
celles qui ont vingt-deux ans
et au vaste jardin sous le vent
dévore l'inconnu
de ses grands pas de peu de printemps
protections de vent léger
pour les jeunes vierges dans l'île
Des canaux
pulpe impudente des anges
sous la rumeur des manifestations
Jeunes chevreuils vierges
bondissent
à la rencontre des fusils
Il est une grande cour
de rêves et de savoir
Le soleil y joue avec les arbres
enlacés de banderoles
Il a la fraîcheur des sources
celles qui ont vingt-deux ans
et au vaste jardin sous le vent
dévore l'inconnu
de ses grands pas de peu de printemps
vendredi 15 octobre 2010
Vision en noir et blanc
Ombre grande
guetteur
Les quais vibrants de voitures
vrombissement des moteurs imbéciles
Heure où les camions se ruent pour la curée
J’aperçois l’imprévu cavalier
fendant le flot vorace
remontant le courant mécanique
pour aller disparaître parmi les voix brisées
dans les récifs acides de mon délire
Quelles pierres droites porteront son nom ?
Quels vents souffleront les syllabes insidieuses,
nébuleuses consonnes sous les tracés de pluie ?
La pythie lève ses yeux sanglants vers la mue du ciel
et hurle
Il dessinait des vies à venir
dans les marges des plaines de papier
et serrait des rêves dans ses paumes terreuses
où s’enchevêtrent lichen et promesses salines
Ombre grande
guetteur
sape les radicelles hésitantes
Des jours et des jours
aux boussoles de peau muette
je laisserai grandir les résistances opiniâtres
Ombre grande
lame vive
L’hiver têtu tombe sur mes os
impose la marée d’équinoxe immuable
Une flèche infinie de marbre et d’onyx
barre le chemin
ô ombre grande qui hante mes pas
Photo : The Red Sword de Kevin Reynolds
... Petit clin d'oeil extrait d'Amélie Poulain :
dimanche 10 octobre 2010
La parenthèse des spectres - extrait 1
Voici un petit aperçu du texte en gestation...
J’écris encore
à la nuit de nos yeux
Dans la maison
les jours rétrécissent
L’air lance ses aiguillettes glacées
et les ombres s’avancent
Devant moi
une fosse
de larmes abruptes
et de temps
***
J’écris encore
à la nuit de nos yeux
Dans la maison
les jours rétrécissent
L’air lance ses aiguillettes glacées
et les ombres s’avancent
Devant moi
une fosse
de larmes abruptes
et de temps
jeudi 7 octobre 2010
Regina Spektor - Samson
Une fois n'est pas coutume sur ce blog, voici le clip d'une chanson qui m'a émue aux larmes et continue à m'inspirer. Il y a d'autres pépites à découvrir dans la musique de Regina Spektor, qu'on se le dise...
http://www.reginaspektor.com/
dimanche 3 octobre 2010
Jeanne Benameur - Extrait de "Comme on respire"
[...] J'écris des mots. Pour que lève la pâte qui multiplierait autre chose. Pour que le sang batte fort. Vivant.
Je suis sûre qu'avec des mots, on vit.
Sous ma langue, il y a le silence.
Sous ma langue, il y a toujours eu le silence.
C'est violent.
Dans enfance il y a toujours celui qui ne parle pas. C'est étymologique. Et c'est violent.
Sortir du silence.
Vouloir les mots. Devenir humbles.
Écrire c'est renoncer et désirer dans le même acte.
J'ai renoncé à croire que vous saviez tout de mon silence. Aucune mère n'y suffirait.
Et je ne désire que cela pourtant. Qu'il soit entendu. Encore et encore.
Voyez-vous les mots ne me servent qu'à ça. Creuser une place pour le silence. Pas violent celui-là. Accueilli. Un silence qui prend forme juste comme la mer creuse au pied des falaises et comble chaque interstice.
Il n'y a plus de faille.
On espère.
Jusqu'à la prochaine émotion qui me bouleverse et me renvoie au pied de la falaise. Abrutie. Le cœur éclaté.
Ce peut être la joie ou la souffrance. C'est la même chose.
Je suis au pied de la falaise. Chaque fois.
Il s'agit de laisser chaque vague creuser sa juste forme.
Je ne suis rien.
Rien d'autre que cette femme qui arpente et tente l'incertain.
[...]
Jeanne Benameur, Comme on respire, éditions Thierry Magnier, 2003, p.11-13.
Je dois remercier Ólöf, grâce à qui j'ai fait la connaissance de l'écriture de J. Benameur !
dimanche 26 septembre 2010
Ólöf Pétursdóttir - Beautiful day so cool
deep sweet sleep and womb-dark night
to awaken to a wondrously fresh world
sparkling rain and bracing sun
brisk the wind and smooth the music
green the apples against rusty vine leaves
as the body shakes with echoes of flesh and blood rock
everything is so all right
feels great and every heartbeat
tastes lovely sounds fun
gratefully enjoying every sweet warm drop
coffee in my cup
Un grand merci à Ólöf qui m'autorise à publier son poème ! C'est le jour resplendissant qui suit la nuit d'insomnie ;-)
Allez visiter son blog : http://enezenn.canalblog.com/
to awaken to a wondrously fresh world
sparkling rain and bracing sun
brisk the wind and smooth the music
green the apples against rusty vine leaves
as the body shakes with echoes of flesh and blood rock
everything is so all right
feels great and every heartbeat
tastes lovely sounds fun
gratefully enjoying every sweet warm drop
coffee in my cup
Un grand merci à Ólöf qui m'autorise à publier son poème ! C'est le jour resplendissant qui suit la nuit d'insomnie ;-)
Allez visiter son blog : http://enezenn.canalblog.com/
mardi 21 septembre 2010
nuit
sang-fusion
mijotant
rissolant
dans l’attente
la lune murmure
l’appel charnel du monde
ses tranchantes ailes d’or
lait de titane
liqueur d’acier
un tambour de nuit d’été
qui martèle les murs
en rumeur de ville inquiète
sans sommeil
vivante
vivante
ne connaissant pas de repos
cette nuit
pas de calme lait d’ânesse
aux veines de la ville en fusion
mercredi 1 septembre 2010
War an erv vili
L’horizon se soulève
lâche ses chevaux blancs
crache sur le sillon
et envoie ses légions
pour l'ultime bataille
Explosion vif-argent
chaudron mugissant
de mica concassé
l’océan affolé déborde
et fend le béton des âges
Jaillissant dans l’échancrure
ton cheval immense
encense des gouttelettes d’or
dans le long vent solaire
L’horizon se soulève
et j’attends tes univers
que la marée amènera
fragile laisse de mer
en jeunes rêves échevelés
Serment des jours de trêve
le vent bleu rit tout bas
des vœux de verre vacillants
devant l’infini de l’horizon noir
Awenet gant an erv vili a zo e Bae Gwaien / Inspiré par le sillon de galets de la Baie d'Audierne
lundi 19 juillet 2010
fête foraine
jouets de plastique arc-en-ciel
entre sucres d’orge poisseux
tubes de gloss bon marché
rose pailleté
et mille reflets de toi
dans le palais des glaces
des allées de fête foraine
bruyantes
incompréhensibles
et floues
à travers le rideau
de perles en plastique
jaunes roses vertes
de mes larmes
la pince mécanique pêche
une petite miniature de toi
ridicule
que je pourrai aduler
en toute liberté
dans la longue nuit de ma fierté
dans le murmure d’un été perdu
plus tard
un jour
peut-être
je chanterai mes chants
Photo "Plastic Beads" by Aney, 2006-03-19, GFDL and CC
source http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plastic_beads2.jpg
Claude Vigée - L'adresse égarée / "Je rumine l'implacable"
Chaque soir j'attends encore,
en retenant mon souffle,
le léger frôlement de la porte qui s'ouvre
comme elle fait tous les soirs, chez nous,
depuis soixante années,
dans la pénombre amie du corridor.
Mais rien ne bouge là-dehors,
Evy ne revient plus chez nous, à la maison ;
en vain j'écoute encore un peu,
chaque soir en silence.
Comme c'est étrange : les morts de l'ancienne saison oublient donc de rentrer ?
Ont-ils perdu l'adresse ? différé le retour ?
Seraient-ils donc distraits, au point de ne plus vivre ?
Malgré mon désarroi d'enfant abandonné,
tous les matins sa place au petit déjeuner,
à table devant moi, dans la clarté muette,
reste une chaise, dos au mur : sans bouger, vide et nette.
Mon heure sur la terre, Poésies complètes, 1936-2008, éd. Galaade, 2008.
en retenant mon souffle,
le léger frôlement de la porte qui s'ouvre
comme elle fait tous les soirs, chez nous,
depuis soixante années,
dans la pénombre amie du corridor.
Mais rien ne bouge là-dehors,
Evy ne revient plus chez nous, à la maison ;
en vain j'écoute encore un peu,
chaque soir en silence.
Comme c'est étrange : les morts de l'ancienne saison oublient donc de rentrer ?
Ont-ils perdu l'adresse ? différé le retour ?
Seraient-ils donc distraits, au point de ne plus vivre ?
Malgré mon désarroi d'enfant abandonné,
tous les matins sa place au petit déjeuner,
à table devant moi, dans la clarté muette,
reste une chaise, dos au mur : sans bouger, vide et nette.
Mon heure sur la terre, Poésies complètes, 1936-2008, éd. Galaade, 2008.
jeudi 15 juillet 2010
Ronan Huon - Mor
Traezh trellus, dour flour o flourikat,
Ec'honder diziwez,
Goueled lakenn ma luskell ar skourrig warnañ,
Mor. Hent bras ha luban an huñvreoù meur,
Koar ma riskl ar vag warnout
O tiskenn hag o sevel ar gwagennoù gwak
Va blegn c'hoazh, simudet gant da vroud
D'ar broioù-hont a ro da bep den e c'hoant
Ha d'ar c'heal krignet gant an drouk-hirnezh
Nemet un tamm eus koun an tu-hont !
Ronan Huon, Evidon va-unan, Al Liamm 1976
Ec'honder diziwez,
Goueled lakenn ma luskell ar skourrig warnañ,
Mor. Hent bras ha luban an huñvreoù meur,
Koar ma riskl ar vag warnout
O tiskenn hag o sevel ar gwagennoù gwak
Va blegn c'hoazh, simudet gant da vroud
D'ar broioù-hont a ro da bep den e c'hoant
Ha d'ar c'heal krignet gant an drouk-hirnezh
Nemet un tamm eus koun an tu-hont !
Ronan Huon, Evidon va-unan, Al Liamm 1976
mercredi 14 juillet 2010
M.
I
M. au ciel noir entre les cils
M. aux omoplates de plein champ
et aux saisons carnassières
M. de tourbe et bruyère belliqueuses
le canon le fusil des jours rennais
M. de pain de bure et de bière musqués
M. le suc et le germe
la pulpe punk toujours refusée
M. palomino et galop sur les crêtes
M. saveur amère de hêtraie
récolte l’odeur de l’averse sur les terres interdites
M. de sillon et d’araire
et de pluies serpentines
M. semé planté germé
M. debout
II
Il y avait
amis de mes nuits de cire
Mynyddawg Mwynfawr et Yscolan
Il y avait
la grise solitude d’Helez
pleurant dans la grande salle désertée
la mort de son frère Kenzelan
et la plainte de Llywarch Hen,
risée de la vieillesse taquine,
sur l’immense gâchis des jeunes cuisses de Gwen
pleines de feu et sauvages au combat
Des rêves de plantes et de grand vent
dans l’ombre des barricades
Pour moi
les Heures
au cadran
les Heures
me consumant dans ta proximité insolente
avant l’impardonnable cloche
fin de l’enchantement
III
Chasseur
chancre sur mon arbre grand
tes chiens de ferme me mordent les mollets
Entre les pierres dressées
tu tues ma louve dans la nuit de l’esprit
Tu me rampes tu me grouilles tu m’infestes
mais tu ne m’oublies pas :
je n’existe pas
mais j’erre dans les sargasses assassines
Ton empreinte
entaille dans les illusions moelleuses
les petits rêves enfeuillés de parme
endeuillés d’eau salée
Ton empreinte
tes longues jambes vagabondes
et ce dont rêvent les étalons
Doux naseaux de sauvagine
dans la tanière bien protégée
abri du regard limpide
soigneusement étiquetée :
« Entrée réservée aux initiés »
Photo : Culture élémentaire Verdun, http://www.cultureelementaire.org/node/88
mardi 13 juillet 2010
Kenan Kongar (1913-1992) - Liorzhoù
Liorzhoù, gant frondoù damdeuzet ar bleunioù
E sarac'h an delioù, hirvoudoù ankenius.
Liorzhoù, entanet gant gourgomz ar gwenan,
Skrilhadeg ar c'hwiled e gwasked ar menez.
Liorzhoù a ro d'an eneoù ar peoc'h er garantez
Pa nijell mouskomzoù an anken er girzhier.
Liorzhoù ! ur mousc'hoarzh o plavañ en avel,
Kevrinoù a skin o huñvreoù karantez.
Liorzhoù a rannas kalonoù ar mammoù
Ouzh sklaerder terzhiennus pardaezioù tremenet.
Kenan Kongar, Barzhonegoù, Al Liamm 1982.
E sarac'h an delioù, hirvoudoù ankenius.
Liorzhoù, entanet gant gourgomz ar gwenan,
Skrilhadeg ar c'hwiled e gwasked ar menez.
Liorzhoù a ro d'an eneoù ar peoc'h er garantez
Pa nijell mouskomzoù an anken er girzhier.
Liorzhoù ! ur mousc'hoarzh o plavañ en avel,
Kevrinoù a skin o huñvreoù karantez.
Liorzhoù a rannas kalonoù ar mammoù
Ouzh sklaerder terzhiennus pardaezioù tremenet.
Kenan Kongar, Barzhonegoù, Al Liamm 1982.
dimanche 20 juin 2010
Averses ambiguës
J’aurais aimé dire
l’âme maternante des lilas
et les mystérieux rosiers sucrés
ce printemps
Mais
Il est passé
comme une averse
sur le Yeun Elez qu’il aime
comme ces oiseaux sans pattes
qui jamais ne touchent terre
comme la poudre d’or du couchant
sur les falaises de ses ancêtres
les baies les brisants les courants
et les saisons impudiques
Il hante les landes violettes
ne saurait se résigner
à la douceur domestique
du poney de manège
Il n’entend pas
se tendre les dendrites
et les vaisseaux de pierre
Il n’entend pas
mes paupières hurlant
dans les univers pulvérisés
par sa beauté immense
illimitée
Par-delà les tours de pluie
j’aurais aimé
un poème
à la place d’une épée
Photo 1 : Yann Renoult, série "Yeun Elez", source Flickr : http://www.flickr.com/photos/jazzinwb/
Photo 2 : Yann Renoult, idem
Merci à l'auteur de m'avoir permis de les publier ici
samedi 19 juin 2010
Pierre Reverdy (1889 - 1960) - Dans le monde étranger
Je ne peux plus regarder ton visage
Où te caches-tu
La maison s’est évanouie parmi les nuages
Et tu as quitté la dernière fenêtre
Où tu m’apparaissais
Reviens que vais-je devenir
Tu me laisses seul et j’ai peur
Rappelle-toi le temps où nous allions ensemble
Nous marchions dans les rues entre les maisons
Et sur la route au milieu des buissons
Parfois le vent nous rendait muets
Parfois la pluie nous aveuglait
Tu chantais au soleil
Et la neige me rendait gai
Je suis seul je frotte mes paupières
Et j’ai presque envie de pleurer
Il faut marcher vers cette lumière dans l’ombre
C’est toute une histoire à raconter
La vie si simple et droite sans tous les petits à côtés
Vers la froide lumière que l’on atteindra malgré tout
Ne te presse pas
Qui est-ce qui souffle
Quand je serai arrivé qui est-ce qui soufflera
Mais seul je n’ose plus avancer
Alors je me mis à dormir
Peut-être pour l’éternité
Sur le lit où l’on m’a couché
Sans plus rien savoir de la vie
J’ai oublié tous mes amis
Mes parents et quelques maîtresses
J’ai dormi l’hiver et l’été
Et mon sommeil fut sans paresse
Mais pour toi qui m’as rappelé
Il va falloir que je me lève
Allons les beaux jours sont passés
Les longues nuits qui sont si brèves
Quand on s’endort entrelacés
Je me réveille au son lugubre et sourd
D’une voix qui n’est pas humaine
Il faut marcher et je te traîne
Au son lugubre du tambour
Tout le monde rit de ma peine
Il faut marcher encore un jour
A la tâche jamais finie
Que le bourreau vienne et t’attelle
Ce soir les beaux jours sont finis
Une voix maussade t’appelle
Pour toi la terre est refroidie
De loin je revois ton visage
Mais je ne l’ai pas retrouvé
Disparaissant à mon passage
De la fenêtre refermée
Nous ne marcherons plus ensemble
Pierre Reverdy, Plupart du temps, Flammarion, in Jacques Roubaud, 128 poèmes composés en langue française, Gallimard, 1995, p. 38-40.
Où te caches-tu
La maison s’est évanouie parmi les nuages
Et tu as quitté la dernière fenêtre
Où tu m’apparaissais
Reviens que vais-je devenir
Tu me laisses seul et j’ai peur
Rappelle-toi le temps où nous allions ensemble
Nous marchions dans les rues entre les maisons
Et sur la route au milieu des buissons
Parfois le vent nous rendait muets
Parfois la pluie nous aveuglait
Tu chantais au soleil
Et la neige me rendait gai
Je suis seul je frotte mes paupières
Et j’ai presque envie de pleurer
Il faut marcher vers cette lumière dans l’ombre
C’est toute une histoire à raconter
La vie si simple et droite sans tous les petits à côtés
Vers la froide lumière que l’on atteindra malgré tout
Ne te presse pas
Qui est-ce qui souffle
Quand je serai arrivé qui est-ce qui soufflera
Mais seul je n’ose plus avancer
Alors je me mis à dormir
Peut-être pour l’éternité
Sur le lit où l’on m’a couché
Sans plus rien savoir de la vie
J’ai oublié tous mes amis
Mes parents et quelques maîtresses
J’ai dormi l’hiver et l’été
Et mon sommeil fut sans paresse
Mais pour toi qui m’as rappelé
Il va falloir que je me lève
Allons les beaux jours sont passés
Les longues nuits qui sont si brèves
Quand on s’endort entrelacés
Je me réveille au son lugubre et sourd
D’une voix qui n’est pas humaine
Il faut marcher et je te traîne
Au son lugubre du tambour
Tout le monde rit de ma peine
Il faut marcher encore un jour
A la tâche jamais finie
Que le bourreau vienne et t’attelle
Ce soir les beaux jours sont finis
Une voix maussade t’appelle
Pour toi la terre est refroidie
De loin je revois ton visage
Mais je ne l’ai pas retrouvé
Disparaissant à mon passage
De la fenêtre refermée
Nous ne marcherons plus ensemble
Pierre Reverdy, Plupart du temps, Flammarion, in Jacques Roubaud, 128 poèmes composés en langue française, Gallimard, 1995, p. 38-40.
jeudi 17 juin 2010
Kaamos (nuit polaire)
Neige sur terre noire
ou soleil de minuit
sous l’horizon vacillant
Violoncelle feulant
s’insinue
suinte l’hostilité
puis cingle incandescent
vers les cimes sublimes
Grands guerriers de son
dans les univers aveugles
les sorciers aux serpents
distillent leur venin
onde de pierre
sur coque de drakkar
et pain brun d’écorce
âtre crépitant dans la longue maison
remplie de poutres et d’ombres
Feu des terres glacées
les loups-garous musiciens
hurlent à la lune
dans les forêts bleues
éclatent en volutes de lave
vivante colonne vipérine
A la place des épées
une saga inachevée
dans la longue nuit polaire
Photo : "Spruce Forest Under Northern Lights", Arctic National Wildlife Refuge, source www.alaska-in-pictures.com
samedi 12 juin 2010
Tes étoiles
Dans les grandes peines
Pourquoi tes larmes
mon centaure
dans les landes de peine
Tu entres sur la pointe des pieds
et déclenches des cyclones
Fils du soleil et des univers
ta beauté d’éclairs
tes idées immenses
en diamants coupants
et le tour du monde
dans tes yeux d’au-delà
Voir en eux
la promesse d’étoiles
et moi
plus bas
que moi
Bel enfant
tu t’effaces
dans le froissement
de tes constellations
La petite mort rampante
me lèche les talons
me donne une claque dans le dos la vieille amie
La belle
la grande
impossibilité
Pourquoi tes larmes
mon centaure
dans les landes de peine
Tu entres sur la pointe des pieds
et déclenches des cyclones
Fils du soleil et des univers
ta beauté d’éclairs
tes idées immenses
en diamants coupants
et le tour du monde
dans tes yeux d’au-delà
Voir en eux
la promesse d’étoiles
et moi
plus bas
que moi
Bel enfant
tu t’effaces
dans le froissement
de tes constellations
La petite mort rampante
me lèche les talons
me donne une claque dans le dos la vieille amie
La belle
la grande
impossibilité
Blog au ralenti
Je n'ai pas beaucoup posté ces derniers temps car la période s'y prêtait mal, mais aussi parce que mes projets en cours ne sont pas publiables sous forme de courts textes.
Je suis en train de travailler sur une suite de textes de plusieurs pages, à lire d'une traite comme s'il s'agissait d'un long poème. C'est en gestation... A suivre donc !
Je suis en train de travailler sur une suite de textes de plusieurs pages, à lire d'une traite comme s'il s'agissait d'un long poème. C'est en gestation... A suivre donc !
samedi 29 mai 2010
Promontoire
Il est un lieu de brumes
dans les montagnes bleues
Promontoire de pierre
noyé d’humides nuées
où le roc et le ciel
cinglés de brouillards lacérés
s’épousent en un silencieux sacrifice
où le jeune guerrier
laisse glisser sa vie
sur la roche mouillée
et la vierge se voue
au vent des vertiges
Là-bas
les falaises serties de pluie
s’ombrent de soupirs
Sous les sapins suintants
la pierre blessée
saigne
de souvenirs scarifiés
Le long deuil du peuple
égorgé
vendredi 28 mai 2010
Philippe de Boissy - Nous n'avons plus...
Nous n'avons plus
parfois
en tête
que le silence
d'un chant
que l'on chante
parce qu'un autre
le tait
Extrait de Petite suite des choses, éd. du Jasmin, 2009.
parfois
en tête
que le silence
d'un chant
que l'on chante
parce qu'un autre
le tait
Extrait de Petite suite des choses, éd. du Jasmin, 2009.
dimanche 9 mai 2010
Dans le monde gris
dit la conférencière
Un petit spectre moelleux !
Que ferait-il
dans vos froids amphis figés ?
Dans le monde gris
des tables grises
des paroles grises
la longue fuite des cerveaux stériles
Un violent vent de landes
entre hirsute avec lui
vent de granit et crinière délavée
arrachant portes fenêtres et un cri
Et mon sang révolté se cabre
fait trois fois tout le tour
de mon corps en défaite
rue encore puis
se remet à peu près en place
Mes jambes font un pas
vers son mystère de futaie
mes lèvres articulent un mot
nain
piteux
atrophié
qui se cambre et se tend implorant
vers le vénéneux cavalier
Je déborde de moi
et tout se répand
sur le centaure goût sureau manganèse
l’homme-animal des landes pétrifiées
Photo "Dartmoor light", source : http://www.photographyblog.com/forums/index.php?showtopic=1800
samedi 8 mai 2010
Jakez Riou (1899-1937) - Ar feunteun zu
Sot on gant ar varzhoneg-mañ abaoe ma 'm eus dizoloet anezhi er skol-veur.
An dour a gouezh,
goustad,
berad ha berad,
a-hed ar raden gouez.
Didrouz ha lizidour
e virbilh an dour
diouzh gorre ar bantenn ;
abaoe kantvedoù
e kouezh a-veradoù
ingal, ingal, diouzh kalon ar garregenn.
Noz ha deiz,
a-hed ar raden leizh,
berad ha berad,
goustad.
Hep trouz ebet
e kouezh
a-hed a raden gouez
en un naoz re zon evit bezañ gwelet.
Perak avat e c'hoarvezas,
p'edon va-unan,
e chomis betek ma nozas
o sellout, en estrenvan,
ouzh an dour o veradañ ;
ha pa nozas,
e klevis ar garregenn o wadañ,
a-hed ar raden hir,
berad ha berad,
goustad,
e kalir
an noz.
An dour a gouezh,
goustad,
berad ha berad,
a-hed ar raden gouez.
Didrouz ha lizidour
e virbilh an dour
diouzh gorre ar bantenn ;
abaoe kantvedoù
e kouezh a-veradoù
ingal, ingal, diouzh kalon ar garregenn.
Noz ha deiz,
a-hed ar raden leizh,
berad ha berad,
goustad.
Hep trouz ebet
e kouezh
a-hed a raden gouez
en un naoz re zon evit bezañ gwelet.
Perak avat e c'hoarvezas,
p'edon va-unan,
e chomis betek ma nozas
o sellout, en estrenvan,
ouzh an dour o veradañ ;
ha pa nozas,
e klevis ar garregenn o wadañ,
a-hed ar raden hir,
berad ha berad,
goustad,
e kalir
an noz.
lundi 3 mai 2010
En Alre
mercredi 28 avril 2010
Abdellatif Laâbi - Pourquoi cette feuille ?
A un détail près
le monde n'a pas changé
en si peu de temps
A un détail près
ce matin est une réplique
grisaille à l'appui
du précédent
A un détail près
le poids écrasant la poitrine
ne s'est pas allégé d'un iota
A un détail près
l'on se sent toujours vivant
un peu plus
un peu moins
Le même équilibre
fragile ou non
A un détail près
celui de cette petite question entêtante :
Pourquoi cette feuille
ni plus jaune ni plus verte que les autres
est-elle tombée de l'arbre ?
Abdellatif Laâbi, Ecris la vie, La Différence, 2005.
le monde n'a pas changé
en si peu de temps
A un détail près
ce matin est une réplique
grisaille à l'appui
du précédent
A un détail près
le poids écrasant la poitrine
ne s'est pas allégé d'un iota
A un détail près
l'on se sent toujours vivant
un peu plus
un peu moins
Le même équilibre
fragile ou non
A un détail près
celui de cette petite question entêtante :
Pourquoi cette feuille
ni plus jaune ni plus verte que les autres
est-elle tombée de l'arbre ?
Abdellatif Laâbi, Ecris la vie, La Différence, 2005.
mardi 27 avril 2010
La pourpre du guerrier
Dans la maison de verre
et de cieux délavés
la maison de miel clair
et de lierre embrassé
La vie calme s’écoule
dans la cour aux échos
Matins
élixirs de lumière
rosée des jours nouveaux
Fraîche attente vespérale
sous le ciel atlantique
Un petit nuage
isolé
comme un lapereau
A la fenêtre
la couleur des lointains
Tout au bord
des mystères d’un jardin
l’esquisse d’un corps de source
à qui accorder
la pourpre du guerrier
Reine de lumière
marchant entre les eaux
dans la maison de verre aux jours mauves
et de cieux délavés
la maison de miel clair
et de lierre embrassé
La vie calme s’écoule
dans la cour aux échos
Matins
élixirs de lumière
rosée des jours nouveaux
Fraîche attente vespérale
sous le ciel atlantique
Un petit nuage
isolé
comme un lapereau
A la fenêtre
la couleur des lointains
Tout au bord
des mystères d’un jardin
l’esquisse d’un corps de source
à qui accorder
la pourpre du guerrier
Reine de lumière
marchant entre les eaux
dans la maison de verre aux jours mauves
lundi 26 avril 2010
Dix-sept ans
Petite chambre crème et vide
si blanche si vide
hormis ce matelas
mes dix-sept ans
et toi
Toute la lumière du monde
et tout le temps du monde
sur nous ramassés
à la fin d’un été
si blanche si vide
hormis ce matelas
mes dix-sept ans
et toi
Toute la lumière du monde
et tout le temps du monde
sur nous ramassés
à la fin d’un été
jeudi 22 avril 2010
Avril
Lumière sur les bambous :
me parvient un parfum
de roseaux
de moulin
Goût de l'ombre
dans l'eau fraîche des rivières
Moucherons du couchant
quand approche
la nuit sucrée
et bourgeons effrontés
gonflés à croquer
Une brise épicée distille
des idées melliflues
de pistil irisé
Un soleil tiédissant indécent
me touille les sens
Chair en pénitence
veut voguer vers les viornes
et les nervures fauves
Je navigue en aveugle
louant la peau de pollen
et l'aigrelet verjus
Dans le murmure des fontaines
je retrouve
mon sang vivant de menthe
et sous les amandiers
un sourcier sorcier
couronné d'amarante
mardi 13 avril 2010
Passeur des eaux noires
En toi
passeur des eaux noires
des ruisseaux de venin
de magma
En toi
une mer au soleil
une impossible sieste
En toi
une ville bombardée
l’oeil de l’animal
et les haines pétrifiées
En toi
des poseurs de bombes
nés dans la rouge rage
de mes entrailles affamées
pour l’ultime bataille
passeur des eaux noires
des ruisseaux de venin
de magma
En toi
une mer au soleil
une impossible sieste
En toi
une ville bombardée
l’oeil de l’animal
et les haines pétrifiées
En toi
des poseurs de bombes
nés dans la rouge rage
de mes entrailles affamées
pour l’ultime bataille
samedi 10 avril 2010
Adieu au Graslei
Mes joues trempées éternellement,
éternellement plues,
la pluie éternellement :
le quai de la Lys
sous ses frileux plaids à carreaux.
Roi de terre et de pollen (Meerhem 2)
Roi de terre et de pollen
des vallées du rêve
il revient force intacte,
et dans mon dos me donne
la chaleur de ses bras immortels.
Certain soir d’été sur une terrasse
aux heures ambigües
où le basilic embaume
les frissons bien gardés,
ces mêmes bras terre et feu
avaient fait le tour du monde
pour m’en ramener
des pommes d’or et des secrets.
Dans sa violente présence,
pour un instant
ne pas être de passage,
dissoute dans le vrai de ma peau en fusion
par ses mains de silence.
mardi 30 mars 2010
Pablo Neruda - Explico algunas cosas
Preguntaréis: ¿Y dónde están las lilas?
¿Y la metafísica cubierta de amapolas?
¿Y la lluvia que a menudo golpeaba
sus palabras llenándolas
de agujeros y pájaros?
Os voy a contar todo lo que me pasa.
Yo vivía en un barrio
de Madrid, con campanas,
con relojes, con árboles.
Desde allí se veía
el rostro seco de Castilla
como un océano de cuero.
Mi casa era llamada
la casa de las flores, porque por todas partes
estallaban geranios: era
una bella casa
con perros y chiquillos.
Raúl, ¿te acuerdas?
¿Te acuerdas, Rafael?
Federico, ¿te acuerdas
debajo de la tierra,
te acuerdas de mi casa con balcones en donde
la luz de junio ahogaba flores en tu boca?
¡Hermano, hermano!
Todo
eran grandes voces, sal de mercaderías,
aglomeraciones de pan palpitante,
mercados de mi barrio de Argüelles con su estatua
como un tintero pálido entre las merluzas:
el aceite llegaba a las cucharas,
un profundo latido
de pies y manos llenaba las calles,
metros, litros, esencia
aguda de la vida,
pescados hacinados,
contextura de techos con sol frío en el cual
la flecha se fatiga,
delirante marfil fino de las patatas,
tomates repetidos hasta el mar.
Y una mañana todo estaba ardiendo
y una mañana las hogueras
salían de la tierra
devorando seres,
y desde entonces fuego,
pólvora desde entonces,
y desde entonces sangre.
Bandidos con aviones y con moros,
bandidos con sortijas y duquesas,
bandidos con frailes negros bendiciendo
venían por el cielo a matar niños,
y por las calles la sangre de los niños
corría simplemente, como sangre de niños.
¡Chacales que el chacal rechazaría,
piedras que el cardo seco mordería escupiendo,
víboras que las víboras odiarían!
¡Frente a vosotros he visto la sangre
de España levantarse
para ahogaros en una sola ola
de orgullo y de cuchillos!
Generales
traidores:
mirad mi casa muerta,
mirad España rota:
pero de cada casa muerta sale metal ardiendo
en vez de flores,
pero de cada hueco de España
sale España,
pero de cada niño muerto sale un fusil con ojos,
pero de cada crimen nacen balas
que os hallarán un día el sitio
del corazón.
Preguntaréis: ¿por qué su poesía
no nos habla del sueño, de las hojas,
de los grandes volcanes de su país natal?
¡Venid a ver la sangre por las calles,
venid a ver
la sangre por las calles,
venid a ver la sangre
por las calles!
Pablo Neruda, España en el corazón , 1937
¿Y la metafísica cubierta de amapolas?
¿Y la lluvia que a menudo golpeaba
sus palabras llenándolas
de agujeros y pájaros?
Os voy a contar todo lo que me pasa.
Yo vivía en un barrio
de Madrid, con campanas,
con relojes, con árboles.
Desde allí se veía
el rostro seco de Castilla
como un océano de cuero.
Mi casa era llamada
la casa de las flores, porque por todas partes
estallaban geranios: era
una bella casa
con perros y chiquillos.
Raúl, ¿te acuerdas?
¿Te acuerdas, Rafael?
Federico, ¿te acuerdas
debajo de la tierra,
te acuerdas de mi casa con balcones en donde
la luz de junio ahogaba flores en tu boca?
¡Hermano, hermano!
Todo
eran grandes voces, sal de mercaderías,
aglomeraciones de pan palpitante,
mercados de mi barrio de Argüelles con su estatua
como un tintero pálido entre las merluzas:
el aceite llegaba a las cucharas,
un profundo latido
de pies y manos llenaba las calles,
metros, litros, esencia
aguda de la vida,
pescados hacinados,
contextura de techos con sol frío en el cual
la flecha se fatiga,
delirante marfil fino de las patatas,
tomates repetidos hasta el mar.
Y una mañana todo estaba ardiendo
y una mañana las hogueras
salían de la tierra
devorando seres,
y desde entonces fuego,
pólvora desde entonces,
y desde entonces sangre.
Bandidos con aviones y con moros,
bandidos con sortijas y duquesas,
bandidos con frailes negros bendiciendo
venían por el cielo a matar niños,
y por las calles la sangre de los niños
corría simplemente, como sangre de niños.
¡Chacales que el chacal rechazaría,
piedras que el cardo seco mordería escupiendo,
víboras que las víboras odiarían!
¡Frente a vosotros he visto la sangre
de España levantarse
para ahogaros en una sola ola
de orgullo y de cuchillos!
Generales
traidores:
mirad mi casa muerta,
mirad España rota:
pero de cada casa muerta sale metal ardiendo
en vez de flores,
pero de cada hueco de España
sale España,
pero de cada niño muerto sale un fusil con ojos,
pero de cada crimen nacen balas
que os hallarán un día el sitio
del corazón.
Preguntaréis: ¿por qué su poesía
no nos habla del sueño, de las hojas,
de los grandes volcanes de su país natal?
¡Venid a ver la sangre por las calles,
venid a ver
la sangre por las calles,
venid a ver la sangre
por las calles!
Pablo Neruda, España en el corazón , 1937
jeudi 25 mars 2010
Les marées descendent où nos pas n'osent aller
Les marées descendent
où nos pas n’osent aller
Mélodie des confins
sur les prés salés
les ossements pourrissent
dans les fondrières
L’oscillation des boussoles
cliquetis diffus des cités sous-marines
Le vent des marées mugit
dans la haute tour
et la même lune immobile
contemple son chef-d’œuvre
Et nous envions
le geste suspendu des bras de mer
éphémère hésitation estuaire
entre cet univers et le prochain
Parfois une déchirure dans le voile des mondes
craquèlement de mer en nage
révélant les falaises violettes des vallées marines
où les bêtes broutent le temps
et le chou marin
entre les tours d’Atlantide
dimanche 21 mars 2010
Un pot de confiture
Ce jour-là
si peu de chose :
Sur la table
un seul pot de confiture
semblable à tous les pots de confiture
Le tien
Et soudain
dans la maison malade
dans la cuisine livide
les sons s’étranglent
- et je suis seule
les murs bougent
- et je suis seule
l’air convulse
- et je suis seule
Une autre pièce
blanche
chirurgicale
où mon espace en torsion
torturé de spasmes
contracté
a éructé
un minuscule cube
d’absence pure
blanc brillant
Illustrations extraites de "Rouge Bonbon" de Kiriko Nananan, chez Sakka
si peu de chose :
Sur la table
un seul pot de confiture
semblable à tous les pots de confiture
Le tien
Et soudain
dans la maison malade
dans la cuisine livide
les sons s’étranglent
- et je suis seule
les murs bougent
- et je suis seule
l’air convulse
- et je suis seule
Une autre pièce
blanche
chirurgicale
où mon espace en torsion
torturé de spasmes
contracté
a éructé
un minuscule cube
d’absence pure
blanc brillant
Illustrations extraites de "Rouge Bonbon" de Kiriko Nananan, chez Sakka
vendredi 19 mars 2010
instantané - barzh an tan
soudain il est là
bleu
chaud
inattendu
incontournable
ma sève tremble ébranlée dans la tempête de l’instant :
il a dit mon nom
et immédiatement
les pierres muettes murmurent au fond des lacs le miel sombre des pommiers vallées de seigle violettes grottes gouffres glaciers embrassés vent des continents embrasés
le monde en révolution
dans un nom
bleu
chaud
inattendu
incontournable
ma sève tremble ébranlée dans la tempête de l’instant :
il a dit mon nom
et immédiatement
les pierres muettes murmurent au fond des lacs le miel sombre des pommiers vallées de seigle violettes grottes gouffres glaciers embrassés vent des continents embrasés
le monde en révolution
dans un nom
mercredi 17 mars 2010
Meerhem
Il y avait
dans cette rue de lumière
des cours mystérieuses et des utopies
des femmes-ouragans
langeant des enfants
sur des matelas crasseux tirés devant les seuils
dans des relents de friture et de lessive bon marché
et des hommes
dont les yeux partis ailleurs
faisaient le tour de leur vie et de la fumée de leurs cigarettes.
Tu m’avais emmenée
jusqu’à la plus secrète passerelle
celle qui menait vers le bout du quai
au bord du monde connu
au jardin secret des péniches
et avais exaucé nos silences
un jour d’or et de miroirs brisés.
dans cette rue de lumière
des cours mystérieuses et des utopies
des femmes-ouragans
langeant des enfants
sur des matelas crasseux tirés devant les seuils
dans des relents de friture et de lessive bon marché
et des hommes
dont les yeux partis ailleurs
faisaient le tour de leur vie et de la fumée de leurs cigarettes.
Tu m’avais emmenée
jusqu’à la plus secrète passerelle
celle qui menait vers le bout du quai
au bord du monde connu
au jardin secret des péniches
et avais exaucé nos silences
un jour d’or et de miroirs brisés.
jeudi 11 mars 2010
Yvon Le Men - Ma mère
Hier, j'ai eu la chance d'assister à une lecture d'Yvon Le Men au cours de laquelle j'ai pu découvrir ce magnifique poème, si bouleversant dans sa simplicité qu'il se passe de commentaires...
Elle est assise
dans ses quarante kilos
devant la mer
vaste
comme les questions
qu’elle se pose
j’imagine
devant la mort.
Elle est assise
sous ses yeux
et sous le ciel
ses yeux regardent
et gardent ce qu’ils regardent
dans sa main
qu’elle dépliera de l’autre côté
comme un enfant montre ses billes
au soleil
et à ses copains.
Elle entraîne ses yeux
à l’horizon
elle s’entraîne
au point de non retour.
Assise
dans ses quarante kilos
dans ses quatre-vingt-deux ans
elle vérifie une dernière fois
le tour de la terre
par la mer
avec ses yeux
elle marche sur l’eau.
Elle cogne à l’horizon
pour ouvrir
à la mer
la porte du ciel.
Elle se prépare
pour être la première
le dernier jour.
Source : Temporel, revue littéraire et artistique, n°7
http://temporel.fr/
La disposition des vers est celle de ce site.
***
Elle est assise
dans ses quarante kilos
devant la mer
vaste
comme les questions
qu’elle se pose
j’imagine
devant la mort.
Elle est assise
sous ses yeux
et sous le ciel
ses yeux regardent
et gardent ce qu’ils regardent
dans sa main
qu’elle dépliera de l’autre côté
comme un enfant montre ses billes
au soleil
et à ses copains.
Elle entraîne ses yeux
à l’horizon
elle s’entraîne
au point de non retour.
Assise
dans ses quarante kilos
dans ses quatre-vingt-deux ans
elle vérifie une dernière fois
le tour de la terre
par la mer
avec ses yeux
elle marche sur l’eau.
Elle cogne à l’horizon
pour ouvrir
à la mer
la porte du ciel.
Elle se prépare
pour être la première
le dernier jour.
Source : Temporel, revue littéraire et artistique, n°7
http://temporel.fr/
La disposition des vers est celle de ce site.
terre (à) terre
une dernière fois
tes vieilles Converse
dans mon entrée
oh tes belles Converse
que tes pieds ont portées
et qui ont porté tes pieds
jusqu’à mon entrée
qui ont fait
les pauvres
le tour de nos guerres
qui ont fait
les belles
le tour de notre terre
tes vieilles Converse
dans mon entrée
oh tes belles Converse
que tes pieds ont portées
et qui ont porté tes pieds
jusqu’à mon entrée
qui ont fait
les pauvres
le tour de nos guerres
qui ont fait
les belles
le tour de notre terre
mercredi 10 mars 2010
brèves / heroin
brèves
le prince aux yeux de miel
est devenu papa :
je ne pleure même pas
je n’ai plus rien à pleurer
heroin
premier corps
à tutoyer les anges
sur peau d’épice insolente,
incandescence indécente
éclaboussée de soleil
apparue
dans la cour de ma jeunesse intacte
reparti vers son horizon
et moi
vers ma deuxième naissance
hésitante
balbutiante
à moi la ville !
à moi la vie !
Merci à Marie pour la photo
samedi 6 mars 2010
Fenêtre
Un ciel à pois
à nuages effondrés
Plainte des jours de verre
la maison hurle
toute seule
toute nue
toute plue
par des cieux sans pitié
Beaucoup de ciel
dans les flaques
fragiles miroirs flottants
L’heure mauve
des rêves errants
en plein vent
à nuages effondrés
Plainte des jours de verre
la maison hurle
toute seule
toute nue
toute plue
par des cieux sans pitié
Beaucoup de ciel
dans les flaques
fragiles miroirs flottants
L’heure mauve
des rêves errants
en plein vent
Ólöf Pétursdóttir - Moonwave
yet another dream of moving fast
walking ahead of time
words like fluffy music clinging to the eyelids
singing galaxies between the ears
wading over clear brooks
running across white wastelands
black moors green meadows
to the familiar manor
starry stairway to my room
Un grand merci à Ólöf pour ces mots et ces visions ! Dans ce poème, son rêve a parlé à mon rêve.
Pour découvrir son écriture, voici l'adresse de son blog : http://enezenn.canalblog.com/
walking ahead of time
words like fluffy music clinging to the eyelids
singing galaxies between the ears
wading over clear brooks
running across white wastelands
black moors green meadows
to the familiar manor
starry stairway to my room
***
Un grand merci à Ólöf pour ces mots et ces visions ! Dans ce poème, son rêve a parlé à mon rêve.
Pour découvrir son écriture, voici l'adresse de son blog : http://enezenn.canalblog.com/
samedi 27 février 2010
Arbres - G
Le noir de ses cheveux
le noir de tes cheveux
le noir de mes cheveux
Femmes de mon clan
aux mouvances des terres incultes
vous avez retroussé vos rêves
et avez avancé
Femmes de mon sang
dehors, nos mésanges
et la beauté
de ce qui ne sera pas toujours là
Dans la pénombre de la cuisine
silence chaud des tommettes
et l’odeur des objets immobiles
Un rai de lumière
sur la pierre
d’évier
Des pots de confiture
groseilles et graminées
La rumeur bleue des abeilles
feu vivant du ciel
Jour de cueillette dans le cerisier
Pour vous j’aimerais être un arbre
Pour vous j’aimerais devenir
chaude plage de miel
caressée par les vents insatiables
pain de nos mains pourpres
ou velours de louve tendu
entre moi et presque moi
Photo du haut tirée du film "Bright Star" de Jane Campion
Photo du bas tirée du film "Le village de mes rêves" de Yoichi Higashi
mardi 23 février 2010
mutations
route de temps
Lizard king m’a sauvée
du gluant
du rampant
vie blette étouffée
et vérité tue
et le démon assis sur mon épaule
rit gentiment des failles
la tête dans les baffles
pulse flux vital
fil ténu tendu
vertu des esquisses-souillons
sphère tue des âges en mutation
qui m’amèneront où je suis
Lizard king m’a sauvée
du gluant
du rampant
vie blette étouffée
et vérité tue
et le démon assis sur mon épaule
rit gentiment des failles
la tête dans les baffles
pulse flux vital
fil ténu tendu
vertu des esquisses-souillons
sphère tue des âges en mutation
qui m’amèneront où je suis
samedi 20 février 2010
endymion penché
pieds de granit
et chant d’oiseau
pulpe charnu fruit rond
orbe pure incorruptible
chat-caresse
ronde joue
pâle joue
jeune regard vert
très grand
trop brillant
trille terreur liquide nue
dague à mon cœur en sauvagerie
il est abeille sur cette fleur bleu-violet
poussière dans la liquide lumière
nuée écume lichen et lierre
mousse de son nom écrit sur l’eau
et des crevasses dans le marbre du tombeau
à J.K. ... évidemment
Inspiré par le Keats de Jane Campion et Ben Whishaw.
Curieuse coïncidence (ou pas ?), la jacinthe des bois que j'aime tant - et que Jane Campion semble aimer aussi - est parfois appelée "Endymion penché". Keats aurait-il apprécié le clin d'oeil à son oeuvre ?
Curieuse coïncidence (ou pas ?), la jacinthe des bois que j'aime tant - et que Jane Campion semble aimer aussi - est parfois appelée "Endymion penché". Keats aurait-il apprécié le clin d'oeil à son oeuvre ?
Toutes les photos sont tirées du film
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