©Kiriko Nananan

lundi 19 juillet 2010

fête foraine



jouets de plastique arc-en-ciel
entre sucres d’orge poisseux
tubes de gloss bon marché
rose pailleté
et mille reflets de toi
dans le palais des glaces

des allées de fête foraine
bruyantes
incompréhensibles
et floues
à travers le rideau
de perles en plastique
jaunes roses vertes
de mes larmes

la pince mécanique pêche
une petite miniature de toi
ridicule
que je pourrai aduler
en toute liberté
dans la longue nuit de ma fierté
dans le murmure d’un été perdu

plus tard
un jour
peut-être
je chanterai mes chants




Photo "Plastic Beads" by Aney, 2006-03-19, GFDL and CC
source http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plastic_beads2.jpg

Claude Vigée - L'adresse égarée / "Je rumine l'implacable"

Chaque soir j'attends encore,
en retenant mon souffle,
le léger frôlement de la porte qui s'ouvre
comme elle fait tous les soirs, chez nous,
depuis soixante années,
dans la pénombre amie du corridor.
Mais rien ne bouge là-dehors,
Evy ne revient plus chez nous, à la maison ;
en vain j'écoute encore un peu,
chaque soir en silence.
Comme c'est étrange : les morts de l'ancienne saison oublient donc de rentrer ?
Ont-ils perdu l'adresse ? différé le retour ?
Seraient-ils donc distraits, au point de ne plus vivre ?

Malgré mon désarroi d'enfant abandonné,
tous les matins sa place au petit déjeuner,
à table devant moi, dans la clarté muette,
reste une chaise, dos au mur : sans bouger, vide et nette.


Mon heure sur la terre, Poésies complètes, 1936-2008, éd. Galaade, 2008.

jeudi 15 juillet 2010

Ronan Huon - Mor

Traezh trellus, dour flour o flourikat,
Ec'honder diziwez,
Goueled lakenn ma luskell ar skourrig warnañ,
Mor. Hent bras ha luban an huñvreoù meur,
Koar ma riskl ar vag warnout
O tiskenn hag o sevel ar gwagennoù gwak
Va blegn c'hoazh, simudet gant da vroud
D'ar broioù-hont a ro da bep den e c'hoant
Ha d'ar c'heal krignet gant an drouk-hirnezh
Nemet un tamm eus koun an tu-hont !


Ronan Huon, Evidon va-unan, Al Liamm 1976

mercredi 14 juillet 2010

M.




I

M. au ciel noir entre les cils
M. aux omoplates de plein champ
et aux saisons carnassières
M. de tourbe et bruyère belliqueuses
le canon le fusil des jours rennais
M. de pain de bure et de bière musqués
M. le suc et le germe
la pulpe punk toujours refusée
M. palomino et galop sur les crêtes
M. saveur amère de hêtraie
récolte l’odeur de l’averse sur les terres interdites
M. de sillon et d’araire
et de pluies serpentines
M. semé planté germé
M. debout



II

Il y avait
amis de mes nuits de cire
Mynyddawg Mwynfawr et Yscolan

Il y avait
la grise solitude d’Helez
pleurant dans la grande salle désertée
la mort de son frère Kenzelan
et la plainte de Llywarch Hen,
risée de la vieillesse taquine,
sur l’immense gâchis des jeunes cuisses de Gwen
pleines de feu et sauvages au combat

Des rêves de plantes et de grand vent
dans l’ombre des barricades



Pour moi
les Heures
au cadran

les Heures

me consumant dans ta proximité insolente
avant l’impardonnable cloche
fin de l’enchantement



III

Chasseur
chancre sur mon arbre grand
tes chiens de ferme me mordent les mollets

Entre les pierres dressées
tu tues ma louve dans la nuit de l’esprit

Tu me rampes tu me grouilles tu m’infestes
mais tu ne m’oublies pas :
je n’existe pas
mais j’erre dans les sargasses assassines

Ton empreinte
entaille dans les illusions moelleuses
les petits rêves enfeuillés de parme
endeuillés d’eau salée

Ton empreinte
tes longues jambes vagabondes
et ce dont rêvent les étalons

Doux naseaux de sauvagine
dans la tanière bien protégée
abri du regard limpide
soigneusement étiquetée :
« Entrée réservée aux initiés »



Photo : Culture élémentaire Verdun, http://www.cultureelementaire.org/node/88

mardi 13 juillet 2010

Kenan Kongar (1913-1992) - Liorzhoù

Liorzhoù, gant frondoù damdeuzet ar bleunioù
E sarac'h an delioù, hirvoudoù ankenius.

Liorzhoù, entanet gant gourgomz ar gwenan,
Skrilhadeg ar c'hwiled e gwasked ar menez.

Liorzhoù a ro d'an eneoù ar peoc'h er garantez
Pa nijell mouskomzoù an anken er girzhier.

Liorzhoù ! ur mousc'hoarzh o plavañ en avel,
Kevrinoù a skin o huñvreoù karantez.

Liorzhoù a rannas kalonoù ar mammoù
Ouzh sklaerder terzhiennus pardaezioù tremenet.


Kenan Kongar, Barzhonegoù, Al Liamm 1982.