©Kiriko Nananan

dimanche 3 octobre 2010

Jeanne Benameur - Extrait de "Comme on respire"




[...] J'écris des mots. Pour que lève la pâte qui multiplierait autre chose. Pour que le sang batte fort. Vivant.

Je suis sûre qu'avec des mots, on vit.
Sous ma langue, il y a le silence.
Sous ma langue, il y a toujours eu le silence.
C'est violent.
Dans enfance il y a toujours celui qui ne parle pas. C'est étymologique. Et c'est violent.

Sortir du silence.
Vouloir les mots. Devenir humbles.
Écrire c'est renoncer et désirer dans le même acte.
J'ai renoncé à croire que vous saviez tout de mon silence. Aucune mère n'y suffirait.
Et je ne désire que cela pourtant. Qu'il soit entendu. Encore et encore.
Voyez-vous les mots ne me servent qu'à ça. Creuser une place pour le silence. Pas violent celui-là. Accueilli. Un silence qui prend forme juste comme la mer creuse au pied des falaises et comble chaque interstice.
Il n'y a plus de faille.
On espère.
Jusqu'à la prochaine émotion qui me bouleverse et me renvoie au pied de la falaise. Abrutie. Le cœur éclaté.
Ce peut être la joie ou la souffrance. C'est la même chose.
Je suis au pied de la falaise. Chaque fois.
Il s'agit de laisser chaque vague creuser sa juste forme.
Je ne suis rien.
Rien d'autre que cette femme qui arpente et tente l'incertain.
[...]


Jeanne Benameur, Comme on respire, éditions Thierry Magnier, 2003, p.11-13.

Je dois remercier Ólöf, grâce à qui j'ai fait la connaissance de l'écriture de J. Benameur !

1 commentaire:

  1. Laouen on, neuze, ha n'on ket souezhet. Ur bamm 'm boa kavet al levr-se ivez...

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