©Kiriko Nananan

mardi 30 mars 2010

Pablo Neruda - Explico algunas cosas

Preguntaréis: ¿Y dónde están las lilas?
¿Y la metafísica cubierta de amapolas?
¿Y la lluvia que a menudo golpeaba
sus palabras llenándolas
de agujeros y pájaros?

Os voy a contar todo lo que me pasa.

Yo vivía en un barrio
de Madrid, con campanas,
con relojes, con árboles.
Desde allí se veía
el rostro seco de Castilla
como un océano de cuero.
Mi casa era llamada
la casa de las flores, porque por todas partes
estallaban geranios: era
una bella casa
con perros y chiquillos.

Raúl, ¿te acuerdas?
¿Te acuerdas, Rafael?
Federico, ¿te acuerdas
debajo de la tierra,
te acuerdas de mi casa con balcones en donde
la luz de junio ahogaba flores en tu boca?
¡Hermano, hermano!

Todo
eran grandes voces, sal de mercaderías,
aglomeraciones de pan palpitante,
mercados de mi barrio de Argüelles con su estatua
como un tintero pálido entre las merluzas:
el aceite llegaba a las cucharas,
un profundo latido
de pies y manos llenaba las calles,
metros, litros, esencia
aguda de la vida,
pescados hacinados,
contextura de techos con sol frío en el cual
la flecha se fatiga,
delirante marfil fino de las patatas,
tomates repetidos hasta el mar.

Y una mañana todo estaba ardiendo
y una mañana las hogueras
salían de la tierra
devorando seres,
y desde entonces fuego,
pólvora desde entonces,
y desde entonces sangre.

Bandidos con aviones y con moros,
bandidos con sortijas y duquesas,
bandidos con frailes negros bendiciendo
venían por el cielo a matar niños,
y por las calles la sangre de los niños
corría simplemente, como sangre de niños.

¡Chacales que el chacal rechazaría,
piedras que el cardo seco mordería escupiendo,
víboras que las víboras odiarían!

¡Frente a vosotros he visto la sangre
de España levantarse
para ahogaros en una sola ola
de orgullo y de cuchillos!

Generales
traidores:
mirad mi casa muerta,
mirad España rota:
pero de cada casa muerta sale metal ardiendo
en vez de flores,
pero de cada hueco de España
sale España,
pero de cada niño muerto sale un fusil con ojos,
pero de cada crimen nacen balas
que os hallarán un día el sitio
del corazón.

Preguntaréis: ¿por qué su poesía
no nos habla del sueño, de las hojas,
de los grandes volcanes de su país natal?

¡Venid a ver la sangre por las calles,
venid a ver
la sangre por las calles,
venid a ver la sangre
por las calles!


Pablo Neruda, España en el corazón , 1937

jeudi 25 mars 2010

Les marées descendent où nos pas n'osent aller




Les marées descendent
où nos pas n’osent aller
Mélodie des confins
sur les prés salés
les ossements pourrissent
dans les fondrières

L’oscillation des boussoles
cliquetis diffus des cités sous-marines
Le vent des marées mugit
dans la haute tour
et la même lune immobile
contemple son chef-d’œuvre

Et nous envions
le geste suspendu des bras de mer
éphémère hésitation estuaire
entre cet univers et le prochain

Parfois une déchirure dans le voile des mondes
craquèlement de mer en nage
révélant les falaises violettes des vallées marines
où les bêtes broutent le temps
et le chou marin
entre les tours d’Atlantide

dimanche 21 mars 2010

Un pot de confiture

Ce jour-là
si peu de chose :
Sur la table
un seul pot de confiture
semblable à tous les pots de confiture

Le tien

Et soudain
dans la maison malade
dans la cuisine livide
les sons s’étranglent
- et je suis seule
les murs bougent
- et je suis seule
l’air convulse
- et je suis seule

Une autre pièce
blanche
chirurgicale
où mon espace en torsion
torturé de spasmes
contracté
a éructé
un minuscule cube
d’absence pure
blanc brillant




Illustrations extraites de "Rouge Bonbon" de Kiriko Nananan, chez Sakka

vendredi 19 mars 2010

instantané - barzh an tan

soudain il est là
bleu
chaud
inattendu
incontournable
ma sève tremble ébranlée dans la tempête de l’instant :
il a dit mon nom

et immédiatement
les pierres muettes murmurent au fond des lacs le miel sombre des pommiers vallées de seigle violettes grottes gouffres glaciers embrassés vent des continents embrasés

le monde en révolution
dans un nom

mercredi 17 mars 2010

Meerhem

Il y avait
dans cette rue de lumière
des cours mystérieuses et des utopies
des femmes-ouragans
langeant des enfants
sur des matelas crasseux tirés devant les seuils
dans des relents de friture et de lessive bon marché
et des hommes
dont les yeux partis ailleurs
faisaient le tour de leur vie et de la fumée de leurs cigarettes.

Tu m’avais emmenée
jusqu’à la plus secrète passerelle
celle qui menait vers le bout du quai
au bord du monde connu
au jardin secret des péniches
et avais exaucé nos silences
un jour d’or et de miroirs brisés.

jeudi 11 mars 2010

Yvon Le Men - Ma mère

Hier, j'ai eu la chance d'assister à une lecture d'Yvon Le Men au cours de laquelle j'ai pu découvrir ce magnifique poème, si bouleversant dans sa simplicité qu'il se passe de commentaires...

***

Elle est assise
dans ses quarante kilos
devant la mer

vaste
comme les questions
qu’elle se pose

j’imagine
devant la mort.

Elle est assise
sous ses yeux
et sous le ciel

ses yeux regardent
et gardent ce qu’ils regardent

dans sa main
qu’elle dépliera de l’autre côté

comme un enfant montre ses billes
au soleil

et à ses copains.

Elle entraîne ses yeux
à l’horizon

elle s’entraîne
au point de non retour.

Assise
dans ses quarante kilos
dans ses quatre-vingt-deux ans

elle vérifie une dernière fois
le tour de la terre
par la mer

avec ses yeux
elle marche sur l’eau.

Elle cogne à l’horizon
pour ouvrir
à la mer

la porte du ciel.

Elle se prépare
pour être la première
le dernier jour.


Source : Temporel, revue littéraire et artistique, n°7
http://temporel.fr/
La disposition des vers est celle de ce site.

terre (à) terre

une dernière fois
tes vieilles Converse
dans mon entrée
oh tes belles Converse
que tes pieds ont portées
et qui ont porté tes pieds
jusqu’à mon entrée
qui ont fait
les pauvres
le tour de nos guerres
qui ont fait
les belles
le tour de notre terre

mercredi 10 mars 2010

brèves / heroin



brèves
le prince aux yeux de miel
est devenu papa :
je ne pleure même pas
je n’ai plus rien à pleurer

heroin
premier corps
à tutoyer les anges
sur peau d’épice insolente,
incandescence indécente
éclaboussée de soleil
apparue
dans la cour de ma jeunesse intacte

reparti vers son horizon
et moi
vers ma deuxième naissance
hésitante
balbutiante
à moi la ville !
à moi la vie !



Merci à Marie pour la photo

samedi 6 mars 2010

Fenêtre

Un ciel à pois
à nuages effondrés

Plainte des jours de verre
la maison hurle
toute seule
toute nue
toute plue
par des cieux sans pitié

Beaucoup de ciel
dans les flaques
fragiles miroirs flottants
L’heure mauve
des rêves errants
en plein vent

Ólöf Pétursdóttir - Moonwave

yet another dream of moving fast
walking ahead of time
words like fluffy music clinging to the eyelids
singing galaxies between the ears
wading over clear brooks
running across white wastelands
black moors green meadows
to the familiar manor
starry stairway to my room

***

Un grand merci à Ólöf pour ces mots et ces visions ! Dans ce poème, son rêve a parlé à mon rêve.
Pour découvrir son écriture, voici l'adresse de son blog : http://enezenn.canalblog.com/