©Kiriko Nananan

samedi 23 juin 2012

Kenan Kongar - Gouleier kêr

A-hed an noz klouar
'm eus gortozet hir amzer
ha klevet va c'halon o vorzholiañ em bruched, garo.

Dreist an draonienn 'm eus gwelet
o skediñ, e kelc'hioù latar,
gouleier ar gêr vras ;
ouzh sioulded an noz e tiwallent an dud,
hag ar vuhez a verve en o sked,
'vel ma verve va spered.

Ne gleven o reuz
nemet em c'halon
a-dreuz al latar
tano.

Hogen ennon e teve,
en-dro din e troe
ar buhezioù didrouz.
Ha me oa va-unan war al lanneg,
va-unan 'hed an noz o c'hortoz
ur ger.


Kenan Kongar, Barzhonegoù, Al Liamm 1982.

lundi 11 juin 2012

Leurs mains

Regards aux âmes
mains-murmures
la fenêtre vide s'incline
les yeux transparents à brûler le papier
de l'une à l'autre face crevassée
une mante ou plutôt
couverture rude des champs durs et des terres érodées

L'Indien au fouet
une vie poussière et récoltes
une vie puits de cailloux
et étoiles sans pluie

Peuple des chèvres et gamelles sous les oliviers
mains grandes de figues et de lait
Ces pieds qui prendront les routes jusqu'à d'autres crassiers
écartelant les âges
et les fils d'espèce à espèce

Femmes en noir aux pieds de terre
mains chamanes des mères
modèlent des êtres de chiffons y insufflent la vie
les envoient vers un autre futur
Larmes-galets trop grandes
dans leurs yeux d'obscur.






dimanche 10 juin 2012

Les sept tours de pluie


 


Lacérations du ciel
à la saison des pluies caresses
                 la main à la joue
                 le souffle buissonnier
lovés au creux d'un jardin flottant floconneux
L'homme         sa douceur atlantique
poudreux nuage-lèvres
nuque de fougère lunaison
bouche bière et miel de bruyère
l'homme racine
l'homme vent


Les arcs-en-ciel pleurent leurs couleurs
sur les avenues pluvieuses
régurgitent des peurs sous la falaise morte
recrachent les chuchotis d'abysses
chal dichal chant des grands anciens dans les cités englouties
à répondre aux baleines         à renverser Paris


Je te donne forme à nouveau
homme-sirène des sept tours de pluie
A nouveau
cliquetis de sabots diamants noirs
sur une route de montagne
A nouveau
tes cheveux et leur vif chant de nuit


Parler la langue des galets
bleu des lointains indicible
parler ta langue de ciel
ta langue de foin et de fontaine
ta langue de cendre et de sureau
rameaux craquant à la flambée
ta langue de goémon doré
Manger tes mots
tes mots de terre et de flammèches
de feu follet sur landes perchées
tes mots marais
peuple invisible des tombeaux
tes mots peau nue dans les ruisseaux

ta langue écume         chemins de brume.






Photos : en haut, Laurence ; en bas : So busy


Je dois la "saison des pluies caresse" à François Place et à ses merveilleux univers imaginaires, à découvrir notamment en se plongeant dans son inoubliable Atlas des Géographes d'Orbae (ci-dessous). J'encourage tout le monde à aller puiser la matière du rêve à cette source intarissable de visions puissantes (sous lesquelles on sent une grande érudition). Plus d'informations sur François Place ici.