©Kiriko Nananan

dimanche 20 juin 2010

Averses ambiguës




J’aurais aimé dire
l’âme maternante des lilas
et les mystérieux rosiers sucrés
ce printemps

Mais

Il est passé
comme une averse
sur le Yeun Elez qu’il aime

comme ces oiseaux sans pattes
qui jamais ne touchent terre

comme la poudre d’or du couchant
sur les falaises de ses ancêtres
les baies les brisants les courants
et les saisons impudiques

Il hante les landes violettes
ne saurait se résigner
à la douceur domestique
du poney de manège

Il n’entend pas
se tendre les dendrites
et les vaisseaux de pierre

Il n’entend pas
mes paupières hurlant
dans les univers pulvérisés
par sa beauté immense

illimitée



Par-delà les tours de pluie
j’aurais aimé

un poème
à la place d’une épée




Photo 1 : Yann Renoult, série "Yeun Elez", source Flickr : http://www.flickr.com/photos/jazzinwb/
Photo 2 : Yann Renoult, idem
Merci à l'auteur de m'avoir permis de les publier ici

samedi 19 juin 2010

Pierre Reverdy (1889 - 1960) - Dans le monde étranger

Je ne peux plus regarder ton visage
Où te caches-tu
La maison s’est évanouie parmi les nuages
Et tu as quitté la dernière fenêtre
Où tu m’apparaissais
Reviens que vais-je devenir
Tu me laisses seul et j’ai peur

Rappelle-toi le temps où nous allions ensemble
Nous marchions dans les rues entre les maisons
Et sur la route au milieu des buissons
Parfois le vent nous rendait muets
Parfois la pluie nous aveuglait
Tu chantais au soleil
Et la neige me rendait gai

Je suis seul je frotte mes paupières
Et j’ai presque envie de pleurer
Il faut marcher vers cette lumière dans l’ombre
C’est toute une histoire à raconter
La vie si simple et droite sans tous les petits à côtés
Vers la froide lumière que l’on atteindra malgré tout
Ne te presse pas
Qui est-ce qui souffle
Quand je serai arrivé qui est-ce qui soufflera
Mais seul je n’ose plus avancer

Alors je me mis à dormir
Peut-être pour l’éternité
Sur le lit où l’on m’a couché
Sans plus rien savoir de la vie
J’ai oublié tous mes amis
Mes parents et quelques maîtresses
J’ai dormi l’hiver et l’été
Et mon sommeil fut sans paresse

Mais pour toi qui m’as rappelé
Il va falloir que je me lève
Allons les beaux jours sont passés
Les longues nuits qui sont si brèves
Quand on s’endort entrelacés

Je me réveille au son lugubre et sourd
D’une voix qui n’est pas humaine
Il faut marcher et je te traîne
Au son lugubre du tambour
Tout le monde rit de ma peine
Il faut marcher encore un jour

A la tâche jamais finie
Que le bourreau vienne et t’attelle
Ce soir les beaux jours sont finis
Une voix maussade t’appelle
Pour toi la terre est refroidie

De loin je revois ton visage
Mais je ne l’ai pas retrouvé
Disparaissant à mon passage
De la fenêtre refermée

Nous ne marcherons plus ensemble


Pierre Reverdy, Plupart du temps, Flammarion, in Jacques Roubaud, 128 poèmes composés en langue française, Gallimard, 1995, p. 38-40.

jeudi 17 juin 2010

Kaamos (nuit polaire)



Neige sur terre noire
ou soleil de minuit
sous l’horizon vacillant

Violoncelle feulant
s’insinue
suinte l’hostilité
puis cingle incandescent
vers les cimes sublimes


Grands guerriers de son
dans les univers aveugles
les sorciers aux serpents
distillent leur venin

onde de pierre
sur coque de drakkar
et pain brun d’écorce

âtre crépitant dans la longue maison
remplie de poutres et d’ombres


Feu des terres glacées
les loups-garous musiciens
hurlent à la lune
dans les forêts bleues

éclatent en volutes de lave
vivante colonne vipérine

A la place des épées
une saga inachevée
dans la longue nuit polaire




Photo : "Spruce Forest Under Northern Lights", Arctic National Wildlife Refuge, source www.alaska-in-pictures.com

samedi 12 juin 2010

Tes étoiles

Dans les grandes peines
Pourquoi tes larmes
mon centaure
dans les landes de peine

Tu entres sur la pointe des pieds
et déclenches des cyclones

Fils du soleil et des univers
ta beauté d’éclairs
tes idées immenses
en diamants coupants
et le tour du monde
dans tes yeux d’au-delà

Voir en eux
la promesse d’étoiles
et moi
plus bas
que moi

Bel enfant
tu t’effaces
dans le froissement
de tes constellations

La petite mort rampante
me lèche les talons
me donne une claque dans le dos la vieille amie

La belle
la grande
impossibilité

Blog au ralenti

Je n'ai pas beaucoup posté ces derniers temps car la période s'y prêtait mal, mais aussi parce que mes projets en cours ne sont pas publiables sous forme de courts textes.
Je suis en train de travailler sur une suite de textes de plusieurs pages, à lire d'une traite comme s'il s'agissait d'un long poème. C'est en gestation... A suivre donc !